Rencontre avec Ingrid McKenzie en Ethiopie

Rencontre avec Ingrid McKenzie, curatrice pour la fondation Go with Géladas, en Ethiopie

 

Comment est née la fondation et quelles sont ses missions ?

La fondation Go with Géladas est née en 2010, à la suite de ma rencontre avec les singes Géladas dans leur milieu naturel (les hautes plaines d’Ethiopie, dans la région montagneuse du Simien), et de la collaboration avec Getachew Tesfaye, soigneur animalier éthiopien originaire de Gondar, ville la plus proche du massif. Endémiques de cette région, les singes Géladas sont rares (environ 50 000) : espèce unique, ils sont les ultimes représentants des Theropithecus et sont, sur le plan évolutif, très intéressants (seuls singes herbivores). Or ils sont, aujourd’hui encore, menacés par les activités humaines : climat, trafic, et surtout agriculture et élevage ne cessent de réduire leur habitat.
Nous avons donc développé la fondation afin d’assurer la protection des babouins Géladas dans leur milieu naturel : notre première action est de sensibiliser la population locale. Nous rencontrons les communautés villageoises, nous leur présentons les caractéristiques biologiques des Géladas, afin de conscientiser et de responsabiliser les éleveurs et agriculteurs, et ainsi d’améliorer le cadre de vie des Géladas. Nous agissons en quelques sorte comme des intermédiaires pour présenter aux habitants leurs voisins animaux !
Notre éthique est celle de l’éco-éthologie : nous organisons des missions d’observation des Géladas, notons leurs activités, leurs relations, dans le plus pur respect de leurs conditions de vie ; nous enregistrons les naissances et décès sur une zone délimitée afin de collecter le maximum de données sur les évolutions comportementales de Géladas, et ainsi d’empêcher
leur disparition. Nous sommes essentiellement financés par des fonds privés éthiopiens et internationaux.

Quelle est l’originalité des Géladas ?

On les prend pour des babouins (ils ont à peu près la même taille), alors qu’ils n’en sont pas. Contrairement aux babouins, le museau des Géladas est arrondi et leurs narines sont situées plus haut. Surtout, le Gélada se reconnait à son « cœur » -une zone de peau rose, dépourvue de poils, en forme de sablier au niveau de la poitrine. En anglais, on les appelle d’ailleurs les « bleeding heart monkey ». Cette zone (située, habituellement sur les autres singes, au niveau sur la croupe), indique leur cycle de reproduction. On les appelle aussi les « singes lion », par rapport à leur épaisse fourrure est de couleur beige, très dense, qui
évoque une crinière. Ils ne grimpent pas aux arbres, et leur régime alimentaire est une vraie curiosité évolutive ! Car il est peu « efficace », il demande une grosse dépense physique pour un apport énergétique faible. Le Gélada a d’ailleurs les pouces opposables les mieux développés parmi les singes de l’Ancien Monde, ce qui lui permet d’arracher les herbes avec
une grande agilité pour trouver les parties nutritives. Enfin, les mâles ont des canines très développées , dont l’usage est destiné à séduire les femelles (non à mâcher !). Le dimorphisme de cet espèce est d’ailleurs très marquée : les mâles sont beaucoup plus grands et lourds que les femelles, ont sur le torse une zone rouge, dépourvue de poils, en forme de sablier. Chez la femelle, lorsque celle-ci est prête pour la reproduction, des protubérances se forment sur sa poitrine, signalant ainsi son état aux mâles Il s’agit d’un singe plutôt petit, entre 40 et 50 cm pour une vingtaine de kilos. Il vit en bandes (centaine d’individus) au sein desquels des mâles composent des harems de 3 à 20 femelles.

Quel est votre parcours et que signifie exactement « curatrice » de fondation ?

J’ai étudié l’éthologie, en me spécialisant en primatologie. J’ai tout de suite voulu accomplir des tâches pratiques, de façon à être au contact des animaux. Durant mes études, j’ai participé à des missions ponctuelles de la Jane Goodhall fondation, et fait plusieurs séjours au Congo dans l’ONG Help Congo. J’ai entamé ensuite une formation pour devenir soigneuse
animalière. En 2010, à l’occasion d’un voyage dans les hautes plaines d’Ethiopie, j’ai rencontré les singes Géladas, je ne connaissais alors l’espèce que « théoriquement ». J’ai eu un véritable choc : les découvrir, dans leur milieu naturel, à 4 500 mètres d’altitude, les voir jouer, s’épouiller, admirer leur crinière (très similaire aux plantes qui les entourent, si bien qu’on les
confond souvent avec la flore)… j’ai tout de suite été fascinée. Assister à une scène de luttes entre les mâles est un spectacle impressionnant : le Gélada male intimide ses adversaires en faisant rougeoyer la peau de ses sourcils ! (et en découvrant la mâchoire) . Toutes ces originalités m’ont fait m’attacher à cette espèce si particulière.
De retour à Addis-Abeba, j’ai rencontré Getachew Tesfaye dans le cadre d’une mission scientifiques au parc zoologique d’Addis-Abeba. Originaire de la région des Géladas, il a tout de suite été volontaire et déterminé pour développer un projet.
Le teme de « curator » signifie conservateur. Comme dans un musée, le curateur conserve, c’est-à-dire « prend soin » des êtres vivants du parc ou du sanctuaire qu’il a en charge. Le curateur s’assure que les animaux sont en bonne santé. La fondation peut recueillir des singes nécessitant des soins, et nous travaillons en étroite collaboration avec des vétérinaires locaux.

Quels sont les projets de développement de la fondation ?

Nous voulons poursuivre nos missions de préservation, et développer la transdisciplinarité : par exemple, nous souhaitons mettre en contact des scientifiques et des photographes, de façon à faire connaître le Géladas. Les longues heures que les photographes passent au côté des animaux leur permettent d’observer des choses passionnantes, qui peuvent permettre aux scientifiques d’en apprendre davantage.