Ronda, la parenthèse andalouse

Marcel Proust écrivait que « le véritable voyage ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » Il semble que dans ce coin perdu d’Andalousie, les panoramas qui s’offrent, insolents, modèlent un regard nouveau à force de contemplation.

« Marbella Mountain Resort » choisit avec soin l’emplacement de ses demeures. Architecturalement différentes, elles sont liées par une terre commune et par l’aspiration de proposer une expérience du luxe à leurs habitants éphémères. Le plaisir des hôtes provient à la fois de la sensation vertigineuse d’être perdus dans un environnement somptueux qui exhale ses parfums et ses couleurs pour eux seuls et le sentiment d’être accueillis, comme attendus, sur cette terre qui se laisse admirer sans retenue.

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Prenant nos quartiers aoûtiens dans une villa près de l’étonnante ville de Ronda, la semaine à venir semblait destinée à la quiétude et à la volupté. L’arrivée sur place tient ses promesses ; au bout du chemin escarpé serpentant à travers cette nature sauvage, la bâtisse imposante confronte fièrement ses murs blancs au soleil et la terrasse, majestueuse, grande ouverte sur les collines d’oliviers, s’alanguit et invite à la paresse. Entre le moelleux des canapés blancs et le ciel qui s’enflamme, une piscine à débordement prend ses aises, s’étend largement vers l’horizon comme pour recevoir et prolonger toutes nos velléités au bien-être.

Perdus en haut de ce promontoire, ne vous étonnez pas d’être accompagné dans vos lectures, non seulement par les clapotis du jacuzzi qui trône au milieu de la piscine mais par le pas chaloupé d’un cheval blanc d’apparat ; ne vous étonnez pas d’entendre soudain la musique émerger d’un rocher derrière votre transat (le tout piloté du salon aux fauteuils vache, un iPad au mur servant de référent central à toutes les enceintes de la maison), ni de voir soudain flotter des cygnes blancs en plastique ou un donut géant ; tous les archétypes instagrammables du luxe semblent réunis pour que votre séjour ou votre événement ressemble à une carte postale trendy ou à une série télé californienne.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle nous ressentons très vite que ces lieux semblent plutôt conçus pour la fête et les moments de convivialité que pour un véritable séjour. A l’usage, la maison se révèle plus belle qu’habitable, plus éclatante que chaleureuse, et il devient parfois laborieux d’y préparer un repas (certains ustensiles de base manquent, la vaisselle s’effrite, le lave-vaisselle aussi…). De même, le site internet annonce une occupation possible de 14 personnes mais il serait difficile d’y vivre confortablement plusieurs jours à plus de 10 malgré l’espace indéniable des salons et autres lieux communs. Bien sûr, des services de restauration sont proposés aux hôtes, mais ils ne sont pas tous à la hauteur des spécialités locales (charcuteries, fromages…) : les petits déjeuners rivaliseraient presque avec ceux d’un hôtel d’autoroute (produits de supermarché). C’est un endroit de villégiature, on l’aura compris, qui tire tout son intérêt de son emplacement hors du commun, mais qui outrepasse sa nature en se qualifiant de « villa de luxe ». S’y octroyer quelques jours de farniente en petite tribu reste malgré tout fort agréable.

La magie du site se révèle chaque matin et chaque soir, et nous ne nous lassons pas d’admirer ce paysage, fier et conquérant, se dessiner sous les assauts changeants de la lumière. La région, riche de trésors patrimoniaux, laisse l’embarras du choix quant aux destinations culturelles à arpenter sur la journée : Séville ? Grenade ? Cordoue ? Malaga ? Toutes ces cités mythiques à proximité font de Ronda un point de chute idéal pour découvrir la magnificence de l’Andalousie.